Beaucoup s’interrogent sur l’éventualité d’une marque de féminin à apporter aux noms en ‑eur, au point d’adopter parfois *« -eure », par analogie avec ce qui se fait pour certains adjectifs ou certains comparatifs.
C’est naturellement à éviter.
Il ne s’agit en aucune façon, bien entendu, de refuser la féminisation des titres, lorsqu’elle est nécessaire, mais de le faire à bon escient.
Le « e » n’est, en effet, pas une marque universelle de féminin, en particulier justement dans les mots en «-eur », comme fleur, blancheur, tiédeur, couleur, etc., tous féminins. L’ajouter serait donc redondant. La féminisation de termes comme professeur, auteur, par exemple, prend ainsi une forme épicène : une professeur, une auteur, etc. Précisons que ce dernier mot a été employé ainsi par Boileau aux vers 463 et 464 de sa Satire X :
« [...] De livres et d’écrits, bourgeois admirateur,
Vais-je épouser ici quelque apprentive auteur ? »
Plus récemment, le féminin « autrice », tenté par Émile de Girardin, aurait certainement mérité moins d’indifférence.
C’est dans ce nécessaire respect de l’orthographe que l’association (française) des professeurs de lettres mentionne ses membres de sexe féminin comme « professeur agrégée », « professeur certifiée ».
L’argument de l’évolution, invoqué pour justifier cette innovation attentatoire à l’orthographe, n’est pas judicieux. Si, en effet, la société évolue en faveur de la féminisation des titres et de la façon de les nommer ; la langue française, elle, obéit à d’autres règles. Elle a, de façon constante, évolué de façon à éliminer les lettres qui ne se prononcent pas. Ce n’est donc pas pour en ajouter.
En outre, toutes les recherches en psycho-mécanique du langage ont montré que, dans le parler contemporain, les marques de genre et de nombre avaient une tendance marquée à disparaitre de la fin des mots et à ne plus se maintenir que dans les déterminants, c’est-à-dire à être anticipées ! L’idée de suffixer un « e » là où il n’y en avait pas est donc, au sens propre, une démarche « réactionnaire ».
Alors, oui, Jeanne d’Arc a pu se dire « la cheffe » des armées et Racine écrire « la ministre » dans sa pièce La Thébaïde :
« […] Dois-je prendre pour juge une troupe insolente,
D’un vil usurpateur ministre violente. »,
car ces féminisations, quoiqu’elles ne soient pas reçues par tous, ne heurtent pas les règles du français. En revanche, il nous emble falloir s’opposer de la façon la plus nette au non-sens linguistique des pseudo-féminins en « -eure ».