Les députés, le 26 septembre 2007, suivis des sénateurs, le 9 octobre, ont voté la ratification du protocole de Londres pour retirer, en France même, au français le statut de seule langue des brevets, et donc du Droit, enterrant ainsi l’ordonnance de Villers-Cotterêts.
La signature du protocole de Londres sur les brevets européens, déjà entérinée par Lionel Jospin, et sa ratification, menée tambour battant par Nicolas Sarkozy, défendue par le secrétaire d’État à la Francophonie (le monde à l’envers, en quelque sorte) et votée par une majorité parlementaire abusée, sont une honte pour notre pays et un mépris souverain pour les peuples francophones. On peut donc désormais déposer, dans chaque pays de l’Union européenne signataire du texte, des brevets en anglais, en allemand ou en français, sans les traduire dans la langue du pays de dépôt. On peut donc déposer en France des brevets en anglais (ou en allemand). Les entreprises déposantes, le plus souvent américaines, font donc l’économie de la traduction en français, soit à peu près 12 % du prix du dépôt. Les entreprises françaises, elles, sont toujours tenues de traduire leurs brevets en anglais pour les exploiter aux États-Unis. La veille technologique des PME-PMI françaises, qui leur permet d’être au courant de ce que prépare la concurrence, leur est ainsi rendue plus difficile, plus onéreuse. Les plus grosses d’entre elles feront traduire, à leurs frais, les brevets étrangers et répercuteront le surcoût sur leurs propres produits ; en revanche, les plus petites d’entre elles y renonceront, prenant ainsi le risque d’être dépassées, à terme, par leurs rivales. D’autant que la stratégie des entreprises américaines est de déposer des brevets en grand nombre, quitte à ne pas tous les exploiter, pour justement égarer la concurrence !
Bien entendu, en cas de conflit devant les tribunaux, même si le juge français était, par miracle, spécialiste d’anglais technique, le tribunal devra faire traduire les textes litigieux aux frais du contribuable.
Le MEDEF a poussé à la ratification pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la défense des PME-PMI françaises, mais parce que le MEDEF a choisi le camp des grands entrepreneurs mondialisés, y compris ceux, français, de l’industrie pharmaceutique, par exemple, gros déposants de brevets et qui ont choisi de faire l’économie de leur propre langue.
Notons en passant que le changement de nom du CNPF en MEDEF marque l’abandon de la référence au « patronat français » au profit des entreprises « de France », c’est-à-dire ayant leurs activités en France, sans être nécessairement françaises.
Le secrétaire d’État à la Francophonie a défendu le Protocole de Londres en prétendant que le français avait désormais un statut européen. C’est juridiquement vrai, mais totalement absurde. Qui voudrait croire, en effet, qu’une entreprise coréenne, par exemple, aurait l’idée, théoriquement possible, de déposer un brevet européen en Slovénie, en français ? On nous berce d’un statut en Europe qui n’en est pas un, et on casse le statut du français en France même !
Les conséquences pour notre langue sont graves : pour maintenir son niveau d’excellence en matière technologique, il lui faut en permanence pouvoir nommer, et en l’espèce traduire les notions attachées à des découvertes faites partout. Ce ne sera plus le cas, et le retard dans le domaine terminologique risque d’être de plus en plus difficile à rattraper. La profession des traducteurs spécialisés est sinistrée depuis l’entrée en vigueur du Protocole de Londres. Une de plus, à haut degré de compétence, à être envoyée froidement au chômage !
Est-ce cela que voulaient les députés et les sénateurs qui ont ratifié le Protocole de Londres ?